• Ce soir... Je venais exprimer une douleur ancestrale et sans nom. Je venais tenter, une fois de plus, de l'exorciser. Combien de fois n'ai-je pas essayé ? Des dizaines je pense. A l'origine... Ce blog avait été conçu pour ça. Tenter de coucher sur les pixels cette douleur. Mais jamais je n'y suis arrivé... Alors, le blog a pris la tournure que vous lui connaissez aujourd'hui...

    Perdu entre mes besoins et désirs, j'oublie parfois souvent toujours de repenser à ce but premier... Jusqu'à ce que cette douleur réaparaisse, toujours plus forte, toujours plus profonde, toujours plus douloureuse (un pléonasme ? où ça ?). Il n'en reste pas moins que ce soir est un soir spécial... Car ce soir, la douleur en question est là, et je ne peux plus la supporter.

    Il est fort probable que son origine remonte à plus de 17 ans, au moment où ma vie a pris son premier tournant décisif et où je me suis attribué la mission que j'accompli toujours actuellement. Je voulais que cette douleur ne soit plus jamais ressentie par quelqu'un d'autre, je voulais que ce qui arrivait à moi n'arrive plus à personne d'autre... Je voulais me venger.

    Depuis, la vengeance dirige toute ma vie. Elle dicte mes comportements et priorités dans la vie, elle anime chaque matin et mouvemente chaque soir, elle me pousse à manger et boire pour pouvoir, un jour enfin, mener à bien ma mission. C'est pour ça que je fais la biochimie, c'est pour ça que mes études passent avant tout, c'est pour ça que je veux étudier la sclérose en plaque...

    Mais en attendant, je reste frustré, bloqué par le temps qui ne passe pas assez vite, mes études qui trainent à arriver à leur terme (bien que je n'ai jamais raté une année). Et la maladie progresse, implacable. Amertume et colère, voilà tout ce que j'ai récolté jusqu'à maintenant.

    Mais il n'y a pas que ça... La douleur dont je vous parle n'a pas qu'une origine, elle en a de multiples. En seconde position, je placerais la frustration éternelle de l'être humain...

    Voyez-vous, ma plus grande angoisse dans la vie est de ne pas savoir donner un sens à mon existence. A ma mort, qu'aurais-je accompli ? Qui aurais-je rendu heureux ? A quoi aura servi mon passage sur Terre ? Cela fait 20 ans que je suis sur cette planète et la réponse n'a toujours pas pointé le bout de son nez, je mène une existence insipide, ordinaire et inutile. Et je crois qu'une troisième origine se trouve dans cette phrase... Ordinaire.

    Une autre mission que je me suis attribuée très tôt est celle de fuir cette ordinarité, cette normalité. Je me suis toujours juré d'être différent, de mener une existence passionnée, ouverte, généreuse, pleine de découvertes intellectuelles et culturelles... Mais aussi une existence où je ferais contraste avec le reste de la masse, où les autres bipèdes sauraient que je ne veux pas appartenir à leur détestable et monstrueux anonymat. Et en quelque sorte, j'y arrive.

    J'y suis même arrivé très bien : me voici devenu un être hybride de plusieures cultures, observant ses contemporains avec une curiosité parfois écoeurées parfois amicale, mais toujours scientifique, objective. Je suis celui qui lit des livres dans le bus, celui qui s'assied toujours à contre sens. Je suis celui qui ne crie pas plus fort pour faire entendre sa voix, celui qui pense que si les autres voulaient de son avis, ils le lui demanderaient. Je suis celui qui ne tire jamais de conclusions hâtives, qui remet systématiquement tout en doute, le disciple de Descartes. Je suis celui qui aide volontier son prochain (quel qu'il soit) parfois bien au delà de ce qu'il mérite... Je suis celui qui note tout ce qu'il a pu trouver d'insolite ou intérressant sur cette Terre. Je suis celui qui écoute des styles musicaux totalements opposés et poivre ses frites. Je suis celui qui va en soirée goth, à l'opéra, au cinéma, en discothèque, en festival, en bibliothèque, à l'école... Je suis celui qui savoure la puissance des mots et qui crois que la plume est plus forte que l'épée. Je suis celui qui voit ce que les autres ne voient plus... Celui qui savoure ce que les autres ne savourent plus.

    Ce soir, la douleur est là parce que je me sens seul... Terriblement seul. Je suis aussi exceptionnelement mélancolique. Car ce soir, je L'ai revue. Celle que j'ai aimé pendant ces presque deux années. Cela fait une semaine que l'échec est survenu mais une semaine qu'une partie de moi s'est envolée avec Elle. Ce soir, je me souviens... Je me souviens d'une époque bienheureuse à ses côtés et j'essaye de comprendre ce qui a foiré, tout en sachant que ça n'ira jamais plus.

    Je ment en disant cela car je sais ce qui a foiré... Car j'en suis arrivé à devenir cet individu parfois souvent détestable de par sa volonté d'accomplir ses foutues missions. Et la seconde mission m'a transformé en un être implicitement incompatible avec Elle. Notre relation tournait à vide, s'égarant complètement... Alors j'ai coupé la corde. Sans savoir quelle douleur serait réveillée par cet acte...


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  • Avant de me lancer dans la correction des billets précédents et dans la rédaction d'un autre projet, je souhaite vous parler d'un autre texte que je conserve depuis longtemps... Je l'ai découvert grâce à mon prof d'histoire en rhéto. Il a été écrit par Primo Levi en 1986 dans l'essai "Les naufragés et les rescapés". Pour ceux qui l'ignoreraient, Primo Levi était un chimiste italien ayant survécu à la shoah et devenu écrivain afin de transmettre son histoire dans le camp d'Auschwitz. Il est connu pour ses réquisitoires contre l'extrémisme et l'ignorance des foules face à ce phénomène :

    "Tous nous devons savoir , ou nous souvenir, que lorsqu'Hitler et Mussolini parlaient en public, ils étaient crus, applaudis, admirés. Les idées qu'ils proclamaient étaient en général aberrantes, stupides, cruelles, et pourtant ils furent acclamés et suivis jusqu'à leur mort par des milliers de fidèles. Ces fidèles n'étaient pas des bourreaux nés, mais des hommes quelconques, ordinaires, prêts à croire et à obéir sans discuter.

    Il faut donc nous méfier de ceux qui cherchent à nous convaincre par d'autres voix que celle de la raison. Dans la haine nazie, il n'y a rien de rationnel. Nous ne pouvons pas la comprendre, mais nous devons comprendre d'où elle est issue et nous tenir sur nos gardes. Si la comprendre est impossible, la connaître est nécessaire parce que ce qui est arrivé peut recommencer."


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  • Bonjour à tout mes milliers de lecteurs fanatiques ! J'espère que votre lecture vous est agréable, bien que je m'apperçois que le niveau (déjà pas très haut) a sérieusement baissé depuis (trop) longtemps. Je m'apperçois avec horreur qu'à la relecture, mes deux précédents post sont à chier, je vais donc passer ma fin de soirée à les retoucher. Pour cette première partie de la soirée, je vous livre un plagiat...

    Le texte qui va suivre a une histoire, enfin, si j'ose dire. Il se trouve qu'il repose dans mon tiroir depuis près de quatre ans. Je l'avais jadis trouvé abandonné dans une photocopieuse à l'inter-copy où je suis habitué d'aller. Je ne sais pas de qui il est. Je ne sais pas pourquoi il a été écrit. Je sais juste qu'il me plait et que je souhaite qu'il figure sur mon blog. Le texte était raturé et corrigé, je vous livre la version finale ; bonne lecture ;)

    ECOUTER, c'est ne pas chercher à répondre à l'autre, sachant qu'il a en lui même les réponses à ses propres questions. C'est refuser de penser à la place de l'autre, de lui donner des conseils et même de vouloir le comprendre.

    ECOUTER, c'est accueillir l'autre avec reconnaissance tel qu'il se définit lui même sans se substituer à lui pour lui dire ce qu'il doit être. C'est être ouvert positivement à toutes les expériences, à toutes les solutions, sans interpréter, sans juger, laissant à l'autre le temps et l'espace de trouver la voie qui est la sienne.

    ECOUTER, ce n'est pas vouloir que quelqu'un soit comme ceci ou comme cela, c'est apprendre à découvrir ses qualités spécifiques. Etre attentif à quelqu'un qui souffre, ce n'est pas donner une explication à sa souffrance, c'est lui permettre de la dire et de trouver lui-même son propre chemin pour s'en libérer.

    APPRENDRE à écouter quelqu'un, c'est l'exercice le plus utile que nous puissions faire pour nous libérer de nos propres détresses...


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  • Envie de violence...

    En cette nuit déchirée par les cauchemares et torturée par l'orage, j'ai une soif urgente de sang, de feu et de hurlements. Toute la journée précédente, le sergent-chef nous a mené la vie dure. L'entraînement se fait de plus en plus intense et nombreuses sont celles qui abandonnent ou meurent d'épuisement. Seulement je sais... Je sais que celles qui abandonnent finissent tôt ou tard par être incinérées vives. Personne ne tourne le dos à "La Firme".

    Cela avait commencé en étant très clair, sitôt sortie de l'école où j'étais depuis mes 12 ans, on nous balançait dans le camp d'entraînement d'où on ne savait jamais quand ni comment on sortirait. On avait été accueillies par un sergent instructeur bâti comme une montagne, un colosse taillé dans le bronze, fait pour broyer les os à main nues ; il s'avéra qu'il était aussi expert en arts martiaux. Son discours de bienvenue avait été clair et bref :

    - Mesdemoiselles ! Soyez les bienvenues au camp Alpha ! Vous sortirez d'ici en étant les meilleures combattantes au monde ou vous mourrez ! Quiconque désire me défier peut sortir du rang quand elle le souhaite. Si vous gagnez, vous serez promue au grade supérieur et serezmutée au camp Bêta. Si vous perdez, vous mourrez ! La mort est la seule punition de règle dans ce camp. Est-ce que quelqu'un souhaite me défier sur le champ ?

    Tout cela avait été hurlé à un taux de décibels ahurissant pour un être humain, courronné par un déluge de postillons tout aussi ahurrissant. Evidemment, personne ne sortit du rang. L'entraînement commençât directement après.

    Cela faisait un an, trois mois et 24 jours que je suais jour et nuit pour sortir vivante d'ici. Les seuls moments de répit étant les douches durant lesquelles les actes d'homosexualités étaient monnaie courante. J'avais fait la connaissance de nombreuses filles ici, aucunes de nous n'était lesbienne avant d'entrer à l'école à des âges différents, nous le sommes toutes à présent. Pourtant, les hommes manquent... Du moins à celles qui ont eut la chance d'en connaître avant d'entrer ici. 

    Je me retourne dans mon lit. J'essaye tant bien que mal d'apaiser ma rage et ma soif de violence en pensant à des choses agréables. Un cunnilingus dans les douches, une mâchoire que j'ai cassé avant-hier, le festin qu'on nous a servi pour Noël... Rien n'y fait. J'essaye de me masturber, peut-être que ça me calmera, malgré la frustration de n'avoir jamais connu l'orgasme.

    Après un quart d'heure sans autre résultat qu'irriter mon clitoris, je décide de me relever et aller aux toilettes.

    Notre entraînement consistait principalement à nous transformer en machine à tuer redoutables. Nous devions êtres plus endurantes, plus fortes, plus rapides, plus méthodiques, plus concentrées, plus précises aux armes à feu, plus efficaces aux armes blanches et plus agressives à main nue que les meilleurs de nos chefs pour pouvoir sortir.

    Une fois dans le couloir, je vis que quelque chose de louche se déroulait. J'entendais des cris dans le couloir voisin, ceux du sergent instructeur, ceux d'une autre femme et ceux de Karen, une recrue légèrement plus ancienne que moi. J'allais voir.
    Je n'eut pas le temps d'arriver qu'un coup de feu retentit. Je dérapais sur le sol glissant avant de m'arrêter juste en face du sergent et de la pire furie en art martiaux de tout le camp, Karen gisait par terre, une énorme tache rouge sang sur le sein gauche. Je n'eut pas le temps de comprendre ce qui se passait que le sergent levait son arme vers moi. Mon instint et ma rage contenue explosèrent en même temps. Le coup parti vers ma tête et me manquat, j'étais déjà accroupie, la main sur le manche de la lame planquée sur ma cheville. Un an d'entraînement passé à manier ce jouet, j'étais capable d'embrocher un moustique en plein vol...

    Je deuxième coup parti et m'atteint à l'épaule gauche juste au moment où la lame s'enfonçait dans l'oeil du sergent. J'avais déjà reçu des balles, j'étais habituée à la douleur.

    Je m'attendais à ce que la furie se jette sur moi pour venger la mort de son fumier de sergent. Mais elle ne fit rien. Elle considéra le cadavre avec étonnement, puis me lança un regard perplexe. Je sortit nerveusement mon berreta de la main droite pour le braquer dans sa direction, si jamais elle bouge, je la descend, pas question de claquer maintenant, si près du but. Elle est capable de me briser la nuque avec deux doigts. Curieusement, la vue de mon arme la fit sourire amicalement.

    - Je vois que vous êtes d'un naturel prudent Alexia. Vous dormez armée et vous ne faite confiance à personne, pas même à vos instructeurs. Cette qualité vous a sauvée ce soir. Karen était réticente à l'idée qu'on exécute sa section en guise de punition pour désobéissance, alors elle a donné sa vie à la place. Le sergent était un peu sur les nerfs et a commis l'erreur d'ouvrir le feu sur un de nos meilleurs éléments, vous en l'occurrence.

    Elle sourit à nouveau, c'est bizare comme les sourires déforment atrocement son visage chevalin.

    Je crois que vous êtes mûre pour passer à l'école des officiers.

    Je n'en croyais pas mes oreilles. Je rengainais mon arme et saluais ma supérieure.

    Finalement, ça a du bon les insomnies...

    [Cet article est proprement à  chier je trouve, mais je ne parviens pas à le corriger pour l'améliorer... Faudra que je le réecrive en entier je le crains Oo]


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  • Jonestown, 17 Novembre 1978 (21h56)

    Je suis très excité. Encore quelques heures et je toucherai au but.

    Cela fait 25 ans que je me bats pour cet instant. Tout avait commencé à Indianapolis... Je m'en souviens encore comme si c'était hier. La galère que c'était ; fonder une église ! Mais j'y suis arrivé. 25 années d'efforts...

    Je m'appelle Jim Jones, je suis le gourou de l'église, ou plutôt devrais-je dire de la secte, le « Temple du Peuple ». Ce soir, l'oeuvre de ma vie touche à son but ultime. Hier, j'étais pauvre. Aujourd'hui, je suis riche. Et demain je serai immensément riche. Car demain, je fuierai avec la totalité de l'argent conservé sur les comptes de mon église.

    Je ricane dans ma barbe. Lorsque ce fouille merde de Ryan a déboulé ici, toutes trompettes sonnantes, il ignorait ce dans quoi il se jetait. Aucun fidèle ne parlera, je le sais parce qu'ils donneraient leur vie pour moi. Mais une petite voix au fond de mon crâne me susurre que certains ont quand même appelé ce pourri à la rescousse... Je réfléchis à ce fait avec perplexité. Mais au final... Ce n'est pas si grave... Il faudra juste leur donner un petit coup de pouce pour passer la "nuit blanche". Je ricane à nouveau.

    Dehors, la pluie se déverse en véritables torrents du ciel. Si Ryan avait pour projet de s'échapper comme un voleur une fois sa besogne faite, il se fourre le doigt dans l'oeil ; la pluie se chargera de saboter sa fuite. Je m'arrache à la contemplation de l'averse et me dirige vers mon lit, mes bagages sont prêtes, de même que l'est mon compte aux îles caïmans. 30 millions de dollars, voilà tout le pactole que j'ai pu amasser depuis ces 25 dernières années. Pas mal... Surtout quand on sait que j'ai commencé en faisant du porte à porte pour vendre des singes de compagnies.

    Mes chevaliers m'attendent dans la pièce voisine, ils sont là pour recevoir leurs dernières instructions. Demain sera le grand jour, celui où le monde saura que l'on ne s'attaque pas impunément à un dieu vivant. 22h, c'est l'heure.

    Je rentre dans la petite pièce enfumée de cannabis et d'opium, mes guerriers se préparent mentalement pour leur dernier job, ils sont les seuls actuellement à avoir une idée de ce qui se prépare. Toute les attentions se fixent sur moi dès que je pénètre dans la pièce. Mon second est le seul à être encore sobre, il attend dans le coin de la pièce derrière mon pupitre, très concentré. J'aurais voulu qu'il en réchappe... Il est le seul en qui j'ai confiance dans cette ville ; il est mon seul ami. Je m'éclairci la gorge et me positionne derrière le pupitre, mon second me gratifie d'un sourire entendu.

    - Messieurs, l'heure est proche. Je viens de me concerter avec les esprits et ils sont unanimes : les forces majeures de notre monde sont en osmose parfaite pour que se réalise le rituel de la "nuit blanche". Il ne me reste plus qu'à enclencher celui-ci. J'ai commandé aux astres et aux nuages pour que notre communauté soit en autarcie complète pour l'accomplissement de la cérémonie. Plus rien ne peut l'empêcher à présent, pas même Leo Ryan. C'est pour cela que je vous ai rassemblé ce soir. Vous serez chargé de veiller au bon déroulement du rituel ainsi que de démasquer et abattre les traîtres qui se sont insinué dans notre communauté. L'équipe de Marco sera responsable de la préparation de la boisson sacrée, celle de Rodriguez sera chargée d'exécuter dans la plus grande discrétion possible les dissidents et traîtres à notre cause.
    Je me tournais alors vers mon second, toujours dans le coin derrière moi, yeux clos et visage fermé.
    "Quand à toi mon ami, tu sera chargé de régler la question de Leo Ryan".
    Il rouvrit les yeux et m'adressa un regard rassurant, demain, tout se fera sans anicroches.

    Jonestown, 18 Novembre 1978 (9h08)

    Tout se passe comme prévu. Mon bras droit a mis sur pied le plan le plus ingénieux qu'on aurait pu imaginer pour liquider Ryan et démasquer les traîtres à notre cause. Comme prévu, une fois que Rodriguez eut montré les dents et la lame de son couteau à Ryan, celui-ci prit peur et fuit vers son jet privé, accompagné de ses reporters, son caméraman et 15 des nôtres. Ils sont actuellement en fuite, poursuivi par Rodriguez et ses chevaliers fous, tous shooté au crack et armé jusqu'aux dents. Mon second est cependant introuvable... Bah ! Il réapparaîtra pour le rituel de cet après midi ; Marco a déjà fini de préparer la substance sacrée.

    Les fidèles sont très excités eux aussi, ils savent que l'heure du passage est proche et ils se réjouissent d'avance de pouvoir donner leur vie pour moi, les braves gens.

    En bas, dans la cours principale, les prières vont bon train, toujours sous la pluie battante. Une ambiance électrique règne partout dans la ville. Des coups de feu se font entendre au loin.  Ca vient de la piste d'atterrissage... Rodriguez doit avoir accompli sa tâche, Leo Ryan doit être mort... Bon débarras. Je regarde ma montre : 9h30, il est l'heure de célébrer la messe finale, celle à l'issue de laquelle je m'enfuirai pour les Bahamas, laissant plus de 1000 cadavres derrière moi. Je m'habille et m'apprête à descendre les escaliers en colimaçons qui relient ma chambre et l'autel des célébrations.

    Je fait une dernière fois le tour de cette modeste pièce que j'avais, à l'époque, décorée avec soin et goût. Un grand lit à baldaquin, recouvert de moustiquaires, occupais la plus grande partie de la surface disponible. Il restais juste assez de place pour un petit secrétaire en acajou, une table de nuit et une grosse horloge à pendule. C'était mon ambition principale pour la doctrine de mon église : nous sommes tous égaux, fidèle noir, fidèle blanc, femme, homme, enfant vieillard, chevalier ou gourou, tout le monde est logé à la même enseigne.

    Je me dirige vers la porte, rassuré, mes bagages sont définitivement bouclées, tout est prêt. Pourtant un détail cloche... Un silence pesant règne dans ma chambre, comme si toute la pièce attendais elle aussi de voir comment se déroulerait la suite des évènements. Seul le tic-tac de la grosse horloge à pendule au fond de la pièce perturbe le calme relatif. Tic... Tac... Tic... Tac... Tic... "Crac" Tac... "Clic"

    Seul une attaque en traître fait ce bruit : le "crac" du plancher qui grince sous le poids de l'agresseur et le "clic" de l'arme qu'on amorce.

    - Plus un pas Jim.

    C'était la voix de mon bras droit, mon homme de confiance, mon ami, j'avais été trahi.

    Jonestown, 18 Novembre 1978 (11h42)

    Je venais de finir la messe depuis mon balcon, contraint et forcé par mon second de ne pas quitter ma chambre. Il avait suivit la cérémonie depuis mon dos, son arme braquée sur ma nuque.

    Je n'ai compris que trop tard que c'était lui le traître. Il avait passé une bonne demi heure à m'exposer très calmement ses agissements et la raison de sa présence à mes côtés depuis le début. Lorsque Ryan était arrivé, clamant être le défenseur de la justice et de la liberté, j'avais cru à un canular ; mon église ne prônant que la tolérance et la liberté. Mais mon "ami" avait su détourner cette mine d'esprits perdus à son profit, ou plutôt au profit du gouvernement. Je n'avais jamais vraiment apprécié le fait de vivre dans le pays possédant un des meilleur service de renseignement au monde, surtout si ce service en question s'intéressait à mon église en particulier. La présence de ce revolver dans mon dos le prouvait : la CIA avait réussi à infiltrer et détourner ma secte.

    Des rumeurs courraient sur des disparitions et des expériences bizarres au sein même du village et des plantations de seigle, mais je n'y avais jamais vraiment prêté attention ; j'aurais dû. Un complot, c'était un complot phénoménal. La CIA savait ce qui se préparait, ils savaient que j'avais pour projet de liquider tout le monde sans bavure si jamais l'affaire me pétait entre les mains, ils avaient alors l'occasion de faire leurs expériences médicales atroces sur mes fanatiques en toute tranquillité. Une fois celles-ci finies, il leur suffisait d'introduire quelques-uns des leurs dans la communauté pour crier au scandale et faire débouler ce trou du cul de Ryan. Ils savaient que je paniquerais et enclencherais le suicide collectif, effaçant toute trace de leurs magouilles.

    Je n'ose imaginer ce qu'ils ont manigancé et trafiqué sur mes fidèles, la simple idée de ces pauvres gens soumis à des expériences Auschwitziennes me donne envie de vomir... Qu'ai-je fait ?

    - Ne soit pas triste Jim...

    Ce salaud se pencha sur moi. Je restais prostré par terre, pleurant au son de mes fidèles se tordant de douleur dehors, rongé par le cyanure. Des coups de feu retentissait de temps à autre, témoignant de la mort des récalcitrants.

    - Tu n'imagines même pas ce à quoi tu as contribué.

    Un sourire de dément se dessina sur son visage.

    - Grâce à ta petite secte grotesque, tu auras réussi à engendrer une société bien plus grandiose. Un nouveau monde est en marche. Un monde où les foules obéiront sans broncher au pouvoir en place, un monde où règne l'ordre et la discipline. Tes fidèles nous ont été très utiles Jim... Tes plantations de seigle aussi d'ailleurs.
    - Je ne comprends pas, je ne comprends rien... Mais qu'avez-vous fait bordel ?
    - As-tu déjà entendu parler du projet MK-ULTRA ?
    - Jamais.
    - Eh bien, il s'agit d'un projet issu d'une association d'université et orchestré par la CIA, dont je fait partie. Ce projet vise principalement à manipuler mentalement les individus afin d'obtenir ce que l'on désire d'eux. Les objectifs sont multiples et variés, démence, docilité, lavage de cerveau, obéissance, etc. Seulement, lorsque le projet vit le jour dans les années 50, on se heurta bien vite à des problèmes d'éthique et de tests humains : on manquait cruellement de cobayes. C'est alors que ta secte a vu le jour. Nous étions déjà amis à ce moment et j'ai tout de suite compris le profit que mon agence pourrait tirer de toi. J'ai proposé l'idée et je suis instantanément monté en grade ; j'étais devenu le fer de lance du projet MK-ULTRA. Tout allait bien pour moi, tu étais facilement manipulable, les cobayes ne manquaient pas et tu fermais les yeux sur les plaintes que tu jugeais trop sporadiques pour être prises au sérieux. Mais par dessus tout, tu t'entêtais à planter toi même tes céréales, mais de façon tout à fait amatrice diront nous...

    Là, son visage changeât, il pris un air encore plus fou. C'est vrai, j'ai toujours cru en une société qui cultiverait elle même sa nourriture, afin d'en assurer la bonne qualité, et en effet, cela avait toujours été fait de façon très naturelle, sans contrôle chimique ou quoi que ce soit d'autre. Cela avait engendré quelque problèmes de rentabilité, mais rien de très grave, hormis pour le seigle. Cette céréale avait toujours été sujette à de nombreux problèmes, et pourtant on s'entêtait à la planter... Je me rappelle pourtant avoir demandé qu'on arrête de la cultiver. Je lançais un regard interrogateur à mon second, qui comprit ma question.

    - Eh oui, c'était nous pour le seigle ! Dis moi Jim, sais-tu ce qu'est l'ergot du seigle ? Non ? Eh bien, c'est très facile : il s'agit d'un petit champignon ascomycète qui parasite très souvent le seigle, encore plus souvent quand on lui donne un coup de main, dit-il avec un clin d'oeil. Il se trouve que ce fascinant champignon produit un alcaloïde nommé N,N-diéthyllysergamide, puissant psychotrope hallucinogène mieux connu en tant que LSD.

    Mes yeux s'écarquillèrent, que me chantait-il là ? Mes champs de seigle ne seraient en fait qu'une immense usine à LSD ? Mais pourquoi ? Il dût comprendre mes pensées car il continua :

    - Eh oui, c'est notre petit ingrédient secret : le LSD. A dose raisonnable, et utilisé à bon escient, il devient la clé de la réussite. De nombreux scientifiques se sont cassés la tête pendant des années pour comprendre comment l'utiliser correctement pour nos objectifs... Mais ils n'y sont jamais arrivés, et leurs recherches furent interrompues par le scandale qui éclata en '74 grâce aux salopards du "New York Times". Je suis seul à présent Jim... Mon agence m'a renié et coupé les vivres. Il a fallu que je trouve un moyen de m'auto financer et c'est encore là que tu intervient : 30 millions de dollars ! Il a suffit que je me baisse pour ramasser l'argent, surtout le jour où tu m'a confié la gestion de tes comptes.

    Et là, il leva son arme vers ma tête. Je compris que j'étais baisé. Je n'avais plus rien. Ce salaud avait détourné ma fortune pour se l'approprier, il avait probablement fait aboutir son projet de manipulation mentale et il avait mené mon église à sa perte ; dehors, le silence régnait. J'étais résigné, cet enfoiré allait me flinguer et se tirer pour faire Dieu sait quoi de mon fric et de son produit miracle.

    - Assied toi Jim, je n'ai pas fini, je veux que tu saisisse toute l'ampleur de ce à quoi tu as contribué.

    Je m'assis sans discuter sur ma chaise de bureau.

    - Vois-tu, je suis seul mais pas tant que ça, dehors m'attendent 166 de tes citoyens. Ils seront, avec moi, les fondateurs d'un projet que j'ai baptisé "La Firme"... J'ai beaucoup observé les fourmis ces derniers temps... Et j'ai compris où se situe le problème de notre société : le chaos ! C'est comme ça que mon plan s'est mit en place. Le plus dur est déjà fait : mettre au point un neuroprocesseur et un ingénieux système qui injectent mon dérivé du LSD directement dans le cerveau du citoyens afin d'avoir un contrôle mental total sur lui. Il suffit que celui-ci se branche à une borne spécialement étudiée pour gérer la dose de produit qu'il faut lui administrer (en microlitre) et pour gérer les instructions à lui donner via le neuroprocesseur... Génial non ?

    Je veux en finir avec ce cauchemard. Toute cette histoire me donne envie de vomir. Je lui dis alors la seule chose qu'il me passait à l'esprit :
    - Ta folie n'a d'égale que ta connerie, enfoiré de capitaliste de mes deux. Un jour, tu verra un trou du cul dans ton style te fera le même coup de pute que tu m'a fait... Et là, je reviendrai de l'au-delà pour te rire au nez.

    J'espérais que ça l'exciterait assez pour qu'il presse la détente... C'est ce qu'il fit après avoir affiché un sourire narquois. Mais ce n'est pas ma tête qu'il éclata en premier, mais bien mes couilles. La douleur me pétrifia littéralement, j'étais totalement incapable de penser à autre chose qu'à mon appareil reproducteur réduit en bouillie.

    - C'est en quelque sorte mon rituel personnel, je castre avant de tuer. Son visage pris une moue sadique terrifiante. 
    - Va te faire foutre, Charlie !
    - Avec plaisir.
    Il re-tira ; mais dans ma bouche cette fois. J'aurai tout raté.

     


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